[Discours sur la question « L’erreur est-elle humaine ? »]
L’erreur est-elle humaine, singulier pour le moins singulier ; peut-on vraiment parler d’unité quand sous le terme, les actions sont si diversifiées ? Quand l’ampleur de l’erreur va de la petite bêtise à l’aberration ? Inattention, malhonnêteté, préjugé ou perte de raison ; même les explications ne créent aucune union. Mais peut être que la question contient en elle-même sa propre réponse et que la forme et le fond, de l’erreur, si divers, sont unifiés par sa nature humaine.
En effet, l’être humain a besoin de se tromper pour grandir. Nous avons très peu d’instinct donc pour faire passer l’espérance de vie au-dessus de 2 ans, il faut indispensablement apprendre de nos expériences. « Il titube, tombe, se relève, recommence » Non ce n’est pas une pièce de Beckett, simplement un enfant qui essaie de marcher. Alors oui, quelquefois, moi aussi je trébuche comme si je n’avais rien appris avant, mais il n’empêche que je marche beaucoup mieux qu’à mes 13 mois.
D’une certainement façon, l’erreur est plus qu’humaine, elle fait l’humanité. Nous nous targuons d’être une espèce technologiquement avancée, c’est donc que nous sommes partis de loin. De nombreuses percées scientifiques sont à la base une bêtise ou une déviation. Quand celle-ci amène à quelque chose alors l’on parle de sérendipité, dans l’autre cas, d’étourderie. Si Fleming n’avait pas malencontreusement laissé une moisissure contaminer sa culture de staphylocoques, alors quand aurait-on découvert la pénicilline ? De même, n’est-ce pas une simple irrégularité de calcul qui a fait atterrir Colomb aux Amériques ? Parfois certaines erreurs feraient mieux d’être évitée…
Par ailleurs, souvent, l’homme, ou plutôt l’amas d’hommes que l’on nomme société, définit l’erreur en l’opposant à une norme qui ne s’applique pourtant que dans une époque et un espace donné. Dans ce cas, dévier du droit chemin, c’est souvent être visionnaire en sommes. Les singes n’ont pas eu à se battre, à souffrir, à vivre dans le silence et la honte pour enfin, après tant de sang et de pleurs, pouvoir aimer quelqu’un du même sexe, si ? Non, les bonobos ont été beaucoup plus rapide que nous là-dessus. Pas de lois, pas de procès, pas de familles ruinées par le secret d’une vie qui ne fut jamais pleinement vécue. Pas d’erreur dans le naturel quand naturelle est l’« erreur ».
Il est essentiel de préciser, car j’entends déjà les gens jaser, que l’erreur n’est pas rendue plus pardonnable qu’elle est humaine. L’homme blesse, l’homme tue, l’homme viole. L’humanité est faite de guerre en guerre, de conquête en défaite. Quelle hypocrisie ce mythe de l’homme bon et altruiste ! Désolée Rousseau, l’erreur est d’autant plus humaine que le proverbe est faux. On pourrait dire alors que l’erreur n’est pas qu’humaine, et la nature ? Et le contexte ? L’humanité ne peut pas tout contrôler, nous sommes soumis à une certaine situation et si les résultats sont souvent éprouvants, on ne peut rejeter sur l’homme la faute du fourvoiement. Je réponds à cela : Œdipe ne s’est-il pas crevé les yeux pour une erreur à laquelle il était destiné ? Acceptez de faire face à nos erreurs, car elles sont le miroir de notre humanité.
Alors admettons-le, contrairement aux machines, ordinateurs, robots, circuits bien formés et formatés, l’homme ne pourra jamais calculer toutes les possibilités, prendre en compte tous les paramètres, penser froidement au résultat. C’est vrai, l’homme n’est pas fait pour l’objectivité. Alors oui, c’est une étourderie que de claquer la porte quand on n’a pas les clés, un impair de quitter brusquement une pièce parce qu’on est énervé, une folie de laisser un autre être prendre autant d’importance dans notre vie ! Oui, oui, tout cela nous comprendrons plus tard que ce n’était pas une bonne idée. Mais dans ce tout non-sens et cette confusion, s’il y a une erreur que l’on ne doit faire, c’est ignorer qu’ainsi se dessine la silhouette de l’humanité.